jeudi 11 septembre 2014

Le silence


Le silence que je voudrai faire entrer en vous est cette étendue sans limites dans laquelle le non-être se transforme en être, et l’être en non être. C’est ce vide imposant ou nait et s’éteint chaque son, et ou chaque forme est sculptée et écrasée ; ou chaque moi est écrit et effacé. Ou rien n’est autre que « cela ».Si vous ne traversez pas ce vide et cette étendue en contemplation silencieuse, vous ne saurez pas combien votre être est réel irréel le non être. Et vous ne saurez pas à quel point votre réalité se relie à toute réalité. C’est ce silence que je voudrais vous faire parcourir, afin que vous puissiez jeter votre ancienne peau qui vous serre et vous déplacer sans entraves, sans contraintes c’est là que je voudrais vous diriger vos soucis et vos craintes, vos passions et vos désirs, vos envies et vos jalousies, pour que vous puissiez les voir s’évanouir un à un et soulager ainsi vos oreilles de leurs lamentations incessantes, et épargner à vos flancs la douleur de leurs éperons pointus. C’est là que je voudrai vous voir jeter les arcs et les flèches de ce monde, avec lesquels vous espérez aller à la chasse des satisfactions et du plaisir, et en chassez en vérité rien d’autre que l’agitation et le chagrin. C’est là que je voudrais vous voir sortir en rampant de la sombre suffocante coquille du moi pour entrer dans la lumière et l’air libre du SOI. C’est ce silence que je vous conseille et non un simple répit pour vos langues fatiguées de parler. C’est le silence fécond de la terre que je vous conseille, et non pas le silence inquiétant du félon et du fripon. C’est le silence patient de la poule qui couve que je vous conseille, et non pas l’impatient caquetage de sa sœur pondeuse. L’une couve pendant vingt et un jours et attend en confiance tranquille que la main mystique provoque le miracle sous le duvet de son jabot et de ses ailes. L’autre se précipite hors de son poulailler et caquète éperdument pour annoncer sa ponte d’un œuf. Prenez garde aux vertus qui caquètent, compagnons ! De même que vous muselez votre honte, muselez aussi votre honneur. Car un honneur caquetant est pire qu’un déshonneur silencieux ; et une vertu bavarde est pire qu’une iniquité muette. Abstenez-vous de parler beaucoup. Sur mille mots prononcés, il y en a peut-être un seul qui avait vraiment besoin d’être articulé. Le reste n’est que nuage pour l’esprit, bouchon pour l’oreille, impatience pour la langue et aveuglement pour le cœur. Comme il est difficile de dire le mot qui a vraiment besoin d’être dit ! Sur milles mots écrits, il y en a peut être un seul qui a vraiment besoin d’être écrit. Le reste est de l’encre et du papier gaspillés et des minutes auxquelles on donne des semelles de plomb, au lieu d’ailes de lumière. Comme c’est difficile, oh, comme c’est dur d’écrire le mot qui a vraiment besoin d’être écrit !

Extrait du Livre de Mirdad

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